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Audioprothèses, recommandations (Cour des comptes 2013)

Article publié le lundi 23 septembre 2013.


http://www.ccomptes.fr/Publications/Publications/La-securite-sociale

Voir : Audioprothèses trop chères (Cour des comptes 2013)

La prise en charge par les organismes de protection sociale de l’optique correctrice et des audioprothèses http://www.ccomptes.fr/content/down...

La nécessité de nouveaux modes de régulation

A - Rendre le marché plus transparent et plus concurrentiel

1 - Développer de nouveaux modes d’acquisition

Les procédures d’achats groupés auprès des fabricants, par les caisses d’assurance maladie notamment, à l’instar de pays voisins, ou le développement du commerce en ligne pour le choix de la monture, la commande des verres et des lentilles correctrices pourraient utilement contribuer au renforcement de la concurrence pour la majeure partie des assurés. La commission européenne avait enjoint à la France, en septembre 2008, par un avis motivé, de ne pas porter atteinte à la liberté de circulation et à la liberté d’établissement de la vente en ligne. En conséquence, l’assurance maladie obligatoire rembourse les achats d’optique en ligne depuis 2010. Un projet de loi, adopté à la fin 2011 en première lecture par les deux assemblées, autorise expressément et encadre la vente de lunettes et de lentilles en ligne. Il prévoit notamment que la délivrance de verres correcteurs et de lentilles correctrices est réservée à un opticien associé au site Internet et qu’elle est soumise à la vérification, par ses soins, de l’existence d’une ordonnance en cours de validité. La question des modalités d’une plus large diffusion en grande surface pourrait être examinée, en garantissant la qualité de la prestation rendue.

2 - Dissocier le coût de la prestation de celui du produit

Pour l’achat de lunettes, l’assuré acquitte une somme globale qui couvre à la fois le coût du produit et celui de la prestation de pose et de réglage. La dissociation de ces différents éléments, ainsi que l’amélioration du contenu des devis notamment sur les traitements appliqués aux verres, permettraient une transparence accrue et serait de nature à renforcer la concurrence entre les différents canaux de distribution. Elle faciliterait pour les organismes financeurs une différenciation des taux de remboursement selon chaque élément de coût.

B - Renforcer la gestion du risque par les assurances maladie complémentaires

Il importe de tirer toutes les conséquences du rôle primordial désormais assuré par les organismes d’assurance maladie complémentaire et de la responsabilité qui est ainsi la leur, en améliorant leur légitimité et leur capacité à gérer le risque.

1 - Renforcer l’action des réseaux de soins

a) Faciliter l’intervention des réseaux de soins
Nombre d’organismes d’assurances maladie complémentaire ont développé, depuis une quinzaine d’années mais surtout depuis quatre ou cinq ans, des « réseaux de soins » regroupant des professionnels de santé, en particulier dans les domaines de l’optique et des audioprothèses mais aussi des soins dentaires prothétiques, pour pouvoir peser sur les prix et par là même le montant des remboursements, en rendant plus transparentes et encadrées les pratiques de vente. Ces réseaux sont gérés par des filiales d’une ou plusieurs institutions, souvent dénommées « plateformes ». La pression pour une modération des prix assurée par les réseaux de soins et leurs efforts pour moraliser les pratiques des distributeurs avaient conduit en 2010 la Cour à préconiser de modifier le code de la mutualité pour légaliser la différenciation des remboursements par les mutuelles selon que les distributeurs font ou non partie des réseaux qu’elles promeuvent. Y faisant suite, après une première tentative en 2011, une proposition de loi a été adoptée, en première lecture, à l’Assemblée nationale en novembre 2012 et par le Sénat en juillet 2013. Elle tend à permettre aux mutuelles, à l’instar des deux autres familles d’assurance maladie complémentaire que sont les sociétés d’assurance et les institutions de prévoyance, d’établir des prestations différenciées lorsque l’assuré choisit de recourir à un professionnel ou un établissement de santé avec lequel les mutuelles ont conclu une convention.
Pour autant, bien que l’on ne dispose que de données fragmentaires, le recours des assurés à ces réseaux est encore minoritaire. De fait, leur rôle régulateur est inégal et leur contribution à une modération des prix encore insuffisante.

b) Accroître la participation des réseaux de soins à la gestion du risque
Les réseaux de soins n’apportent encore qu’une contribution limitée à la gestion du risque. La très grande majorité des opticiens - seuls 1 000 sur plus de 11 000 n’y seraient pas rattachés - et des audioprothésistes participent à un ou plusieurs réseaux, à la sélectivité inégale, sans que l’on puisse toujours constater de baisse de prix significative, et leurs pratiques de vente, pour la plupart, ne se distinguent pas sensiblement des autres distributeurs. Les organismes d’assurance maladie complémentaires doivent ainsi se mettre en mesure de s’assurer que les détaillants qu’ils sélectionnent pratiquent des gammes de prix réellement inférieures à celles constatées dans les magasins « hors réseaux » pour un nombre de produits significatif et non seulement sur quelques « prix d’appel » et qu’ils ne reportent pas sur d’autres articles (montures, en particulier) les baisses consenties notamment sur les verres de lunettes. De manière générale, les réseaux doivent effectuer un véritable suivi des pratiques des distributeurs. À cette fin et pour permettre une vraie régulation sans entraver la dynamique de la concurrence, il est nécessaire d’établir un cahier des charges rigoureux, sélectif inspiré des meilleures pratiques, sur la base d’orientations communes que l’union nationale des organismes complémentaires d’assurance maladie pourrait être chargée de négocier avec les différents partenaires.
Pour mettre en œuvre plus globalement une véritable stratégie de gestion du risque, les organismes complémentaires doivent cependant pouvoir accéder aux données anonymisées du système national d’information inter régimes de l’assurance maladie (SNIIRAM), qui ne sont actuellement accessibles qu’aux trois grands régimes d’assurance maladie obligatoire, à l’Institut national de veille sanitaire et aux médecins des agences régionales de santé, mais seulement pour ce qui est du montant remboursé, et ce pour le seul régime général hors sections mutualistes. Même si des insuffisances notables persistent -certaines restitutions ne sont retracées qu’à un niveau agrégé, d’autres ne retracent pas le montant total payé par l’assuré-, leur accès est essentiel pour la détermination des axes d’action les plus pertinents et les plus efficaces.

2 - Encadrer plus sévèrement les contrats responsables

Dans le RALFSS de 2011, la Cour avait évalué à 2,3 Md€, en hypothèse basse, le coût pour les finances sociales de l’exemption d’assiette de cotisations sociales qui ne bénéficie qu’aux seuls contrats collectifs obligatoires et responsables. Ces contrats collectifs malgré leur qualification de « responsables » ne sont pas étrangers au niveau élevé des prix constaté notamment en matière d’optique comme analysé supra.
Sauf à accepter la poursuite de ces dérives et l’aggravation du coût des avantages fiscaux et sociaux qui leur sont liés du fait de l’augmentation des primes qui en résulte, il est devenu indispensable de mieux encadrer la définition du contrat responsable, notamment en fixant des plafonds aux dépenses prises en charge en matière d’optique et de limiter la fréquence du renouvellement du remboursement de tels équipements. Il pourrait également être envisagé d’imposer un remboursement en optique modulé en fonction du besoin médical des assurés et comportant un plafonnement spécifique pour le remboursement des montures.
L’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013 et le projet de loi, en cours de discussion au Parlement, sur la sécurisation de l’emploi ont notamment prévu la généralisation des contrats collectifs dans le secteur privé, ce qui, à législation inchangée, conduira à accroître de manière importante le coût des avantages fiscaux et sociaux qui y sont liés. S’agissant de la sécurité sociale, l’étude d’impact du projet de loi chiffre cette charge additionnelle, selon le champ d’extension retenu, entre 300 M€ et 430 M€, coût auquel il faut ajouter celui de la généralisation du maintien pendant 12 mois de la couverture complémentaire d’un salarié quittant l’entreprise (entre 75 M€ et 110 M€). Dès lors, un réexamen de l’économie générale du dispositif d’encouragement aux contrats collectifs apparaît indispensable.
Ces textes prévoient en effet qu’à compter du 1er janvier 2016, les entreprises dont les salariés ne bénéficient pas encore d’une couverture collective obligatoire doivent les faire bénéficier d’une couverture minimale qui comprendra notamment la prise en charge des frais exposés, en sus du « tarif de responsabilité », pour certains soins dentaires et dispositifs médicaux à usage individuel au nombre a priori desquels l’optique et les audioprothèses. Un décret en fixera la liste et leur niveau de prise en charge. L’enjeu de son contenu est crucial pour parvenir à une meilleure maîtrise des dépenses, en optique et en audioprothèses notamment, ainsi qu’à une responsabilisation accrue des organismes complémentaires d’assurance maladie. Il constitue de fait l’opportunité qui ne doit pas être manquée d’une redéfinition rigoureuse des contrats responsables, en fixant un plancher et un plafond des dépenses prises en compte, sauf à reproduire les dérives constatées depuis leur mise en place en 2004.

3 - Réexaminer à terme, pour l’optique, l’articulation entre l’assurance maladie obligatoire et l’assurance maladie complémentaire

La généralisation progressive de l’assurance maladie complémentaire, dont le principe a été annoncé par le Président de la République et dont le projet de loi sur la sécurisation de l’emploi marque une nouvelle et importante étape après la mise en place de la CMUC et la création de l’aide à la complémentaire santé, doit amener à envisager un nouveau partage des rôles entre l’assurance maladie obligatoire et l’assurance maladie complémentaire.
Si symbolique que soit devenue la participation de l’assurance maladie obligatoire, elle facilite entre les acteurs un jeu de renvoi de responsabilités sur qui doit assumer une gestion véritablement active du risque, jeu dont les assurés sociaux en définitive payent le prix, directement par leur reste à charge ou indirectement par l’augmentation de leurs cotisations et primes aux institutions complémentaires. Dès lors que se mettrait effectivement en place un second étage de protection complémentaire obligatoire en matière de soins, pourrait se poser la question d’une articulation différente entre l’assurance maladie obligatoire et l’assurance maladie complémentaire, englobant une réflexion sur l’éventualité d’une suppression de l’intervention de l’assurance maladie obligatoire pour l’optique correctrice et de sa prise en charge au premier euro par l’assurance maladie complémentaire.

CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS

Les insuffisances visuelles et auditives concernent au total sensiblement plus des deux-tiers des Français. Les dépenses correspondantes, en croissance, représentent plus de la moitié des dispositifs médicaux prescrits en médecine de ville. Les unes et les autres sont pourtant mal connues et peu gérées par la puissance publique.
Alors que s’élabore la « stratégie nationale de santé » et conformément aux recommandations faites en 2010 puis en 2011 par la Cour sur la nécessité d’une réflexion approfondie sur le partage entre assurance maladie obligatoire et assurance maladie complémentaire, il importe que les pouvoirs publics agissent sur tous les leviers disponibles pour une meilleure régulation au bénéfice des assurés.
Il convient en premier lieu de rendre le marché plus transparent et concurrentiel en développant de nouveaux modes d’acquisition des produits, notamment par Internet, et en individualisant le coût de la prestation de celui du produit. Il faut aussi et surtout tirer les conséquences du rôle essentiel désormais assuré en matière de financement par les assurances maladies complémentaires et de la responsabilité qui en découle, en les incitant à assurer une véritable gestion du risque, ce qui n’est pas le cas actuellement. Cela implique un accès des organismes complémentaires aux données du SNIIRAM, ainsi que la mise en œuvre d’un cahier des charges rigoureux et sélectif pour leurs réseaux de soins. Il est enfin indispensable de redéfinir beaucoup plus sévèrement les « contrats responsables » dans le contexte de généralisation des contrats collectifs, à la suite de l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013 et de la loi de sécurisation de l’emploi tant pour peser sur les prix - notamment en matière d’optique- que pour contenir la dynamique des avantages fiscaux et sociaux qui y sont liés.
Dès lors que l’assurance maladie complémentaire serait généralisée conformément aux intentions des pouvoirs publics, pourrait se poser, s’agissant de l’optique correctrice, la question d’un réexamen de son articulation avec l’assurance maladie obligatoire englobant une réflexion sur un éventuel retrait de cette dernière de ce champ.

La Cour formule les recommandations suivantes :
-  58. accélérer la révision de la liste des produits et prestations remboursables ;
-  59. rendre les contrats responsables plus exigeants et plus sélectifs, notamment en fixant des plafonds aux dépenses prises en charge de l’optique correctrice et des audioprothèses ;
-  60. encadrer plus strictement les réseaux de soins par un cahier des charges commun à tous, afin de renforcer la maîtrise de la gestion du risque par les assurances maladie complémentaires ;
-  61. donner accès aux organismes complémentaires aux données de l’assurance maladie ;
-  62. encourager de nouveaux modes de distribution et ouvrir le marché à plus de concurrence ;
-  63. réexaminer, à terme, pour la prise en charge de l’optique correctrice, l’articulation entre l’assurance maladie obligatoire et l’assurance maladie complémentaire dès lors que cette dernière aurait été généralisée.


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