L’association RAMSES, créée en 1991, est la principale association française représentative des professionnels qui se préoccupent de santé mentale et surdité chez l’enfant. Elle a organisé de nombreux groupes de travail et de réflexion, des soirées-débats, onze colloques, qui ont donné lieu à des publications.
Les professionnels de la santé mentale de l’enfant sourd réunis dans l’association RAMSES sont particulièrement attentifs à la question de la prévention des troubles psychiques chez l’enfant sourd. Ils constatent, en effet, que la souffrance psychique de l’enfant sourd est mal repérée et parfois déniée. La prévention et le repérage précoce des troubles psychiques sont donc particulièrement cruciaux .
Suite au rapport parlementaire des députés Edwige ANTIER, Jean-François CHOSSY et Jean-Pierre DUPONT, publié en juillet 2010, une loi sur le dépistage néonatal de la surdité a été adoptée en première lecture par l’Assemblée Nationale le 30 novembre 2010. Il est précisé que les rapporteurs ont mené une large consultation des acteurs du dossier - associations, experts médicaux, professionnels et institutionnels - et ont constaté que les autorités scientifiques et sanitaires soulignaient unanimement le bénéfice qu’il y aurait à généraliser un repérage à lamaternité, suivi d’un diagnostic dans les 3 mois qui suivent la naissance.
Au début de l’année 2005, les membres de l’association RAMSES avaient pris connaissance de l’existence d’un programme expérimental de dépistage néonatal de la surdité, mis en place dans certaines maternités par la Caisse Nationale d’Assurance Maladie des Travailleurs Salariés (CNAMTS) entre janvier 2005 et juin 2007, sous l’égide de l’Association Française pour le Dépistage et la Prévention des Handicaps de l’Enfant (AFDPHE).
Dès l’annonce de ce programme expérimental, RAMSES a souligné le risque psychopathologique d’un tel dépistage à cette période sensible de la vie. L’association a organisé des soirées-débats (juin 2005, mai 2006), publié un texte (http://ramses.asso.free.fr/J2.pdf) et organisé un colloque : « Lorsque l’enfant sourd paraît. Prévention des troubles psychiques chez le bébé et le jeune enfant sourds », qui a eu lieu à Paris le 12 octobre 2007. La prévention a été le thème de ce 9ème colloque, qui a permis une réflexion approfondie sur les conditions psychologiques de l’accueil d’un bébé dans une famille et du suivi spécialisé du jeune enfant sourd en éducation précoce. L’ensemble des participants a émis une vive critique du dépistage néonatal de la surdité, pour des raisons techniques (pourcentage important de faux positifs), financières (coût élevé) et surtout éthiques : le progrès médical doit s’accompagner d’une réflexion éthique et d’un débat sur la responsabilité de l’homme au niveau de ses actes. Or le dépistage néonatal est un acte qui peut induire une perturbation iatrogène des interactions précoces dont les répercussions sur le développement de la personnalité n’ont pas été évaluées lors de son expérimentation.
La seule étude scientifique française sur le sujet, un programme hospitalier de recherche clinique mené à Amiens depuis 2001, montre qu’un résultat positif du test de dépistage entraîne une augmentation importante de l’anxiété maternelle qui altère son état psychologique général et ce d’autant plus que le test est réalisé pendant la période néonatale. Ces résultats ont été publiés en septembre 2006 sous le titre : « Dépistage de la surdité néonatale permanente : quelles conséquences sur la mise en place des interactions précoces mère-bébé ? » (B. Ledriant, L. Vandromme, C. Kolski, V. Strunski).
Il n’est donc pas exact de dire que le retentissement de ce dépistage néonatal est sans effet sur le bien-être psychologique de la famille et les interactions précoces.
Dès février 2007, l’association RAMSES avait saisi le Comité Consultatif National d’Ethique, en même temps que la Fédération Nationale des Sourds de France. L’avis du CCNE, rendu en janvier 2008, avait émis d’importantes réserves sur la pertinence de ce dépistage précoce, avis dont il n’a pas été tenu compte dans le récent rapport parlementaire. Alors que la position des professionnels du réseau RAMSES sur ce sujet est connue depuis 2006, les parlementaires n’ont jamais rencontré les professionnels de l’association RAMSES, ce qui aurait permis un débat et une réflexion avec de spécialistes en santé mentale, complétant les rencontres avec les usagers sourds. De nombreux médecins, tous spécialistes de la surdité, ont signé en novembre 2010 une pétition émettant les plus grandes réserves sur le dépistage de la surdité en période néonatale.
Il n’est donc pas exact de dire que cette loi fait l’unanimité de la communauté scientifique.
Enfin, les résultats du programme expérimental national de la CNAMTS lancé en 2005 pour analyser la faisabilité, le coût et le bénéfice de la généralisation de ce dépistage néonatal n’ont toujours pas été publiés. Il est donc très surprenant qu’une loi ait pu être votée sans connaître les résultats définitifs de l’expérimentation.
Les professionnels de l’association RAMSES :
Dénoncent donc la partialité et le parti-pris de l’enquête parlementaire
qui a présidé au projet de loi,
Regrettent la non prise en compte de l’avis du CCNE de janvier 2008,
Regrettent que cette loi ait été votée sans que les résultats définitifs de
l’expérimentation de la CNAMTS n’aient été connus (contrairement à ce
qui a été affirmé), notamment du grand public,
Soulignent que les structures permettant l’accueil des familles et le suivi
des enfants dépistés ne sont pas créées et ne sont pas prévues dans le
budget très élevé du dépistage,
Réaffirment leur opposition au dépistage précoce néonatal de la surdité,
du fait de son risque iatrogène psychopathologique potentiel,
Préconisent un dépistage précoce de la surdité lors de l’un des examens
médicaux obligatoires du 3ème ou du 4ème mois.
Contacts : jm.delaroche@free.fr ; nfarges005@hotmail.com
Paris, décembre 2010