Source : Marianne 2 - Sylvain Lapoix | Jeudi 28 Mai 2009
Deux années de suite, le ministère de la Justice a oublié de verser une contribution pour les employés handicapés, cumulant ainsi 18 millions d’euros de dette ! Un croc-en-jambe pour Dati...
Alors que le remaniement approche et que les ego s’échauffent, le successeur de Rachida Dati pourrait bien tomber sur un os en soulevant de vieux dossiers du ministère de la Justice : une contribution, majorée d’un an de retard, de 18 millions d’euros à régler au ministère du Budget ! En l’occurrence, la contribution pour emploi insuffisant de personnes handicapées alimentant le Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (Fiphfp).
La loi pour l’égalité des chances du 11 février 2005 établissant un seuil minimum de 6% de handicapés employés dans chaque administration, chaque poste manquant donne lieu à une contribution versée à cet organisme d’insertion. Une compensation s’élevant à 7,8 millions d’euros pour la Chancellerie en 2008. et qui reste impayée, comme l’ont révélé nos confrères du Canard enchaîné. Or, selon nos informations, elle n’a pas été inscrite au budget pour 2009 alors que la date de règlement a été fixée au 29 mai 2009 !
Peau de banane pour Dati
« A la base, c’est un sujet d’ordre purement budgétaire, mais avec le contexte, il devient très politique ! », confie-t-on au ministère. Peu de chances que Rachida Dati détaille ligne par ligne le budget de la place Vendôme mais c’est elle qui sera montrée du doigt une fois le fait connu. Et c’est exactement l’objectif de ceux qui ont négligé de payer la facture.
Il faut dire que des ennemis, la ministre en a plus d’un dans son cabinet. A commencer par son secrétaire général : Gilbert d’Azibert, ancien directeur de l’Ecole Nationale de la Magistrature. Pour assister la Chancellerie, c’était le « candidat des conseillers de Sarkozy », raconte-t-on, et pas le genre à vouloir épargner la Garde des Sceaux à qui il tend des chausses-trappes à la moindre occasion. A la veille des européennes, ce piège-là était bien gros.
Au cabinet, on désamorce comme on peut : « nous n’avons pas versé la contribution au titre de 2007 car nous disposions d’un abattement forfaitaire du même montant, explique Guillaume Didier, directeur du cabinet, à Marianne2.fr. Pour 2008, nous n’avons pas intégré le montant dans la construction budgétaire pour la même raison. Mais nous allons tout prendre en charge et régler ce malentendu. » A 18 millions d’euros le malentendu, le ministère de la Justice a des goûts de luxe !
Le sale exemple de la Justice
« Ça fait six mois qu’on nous dit que l’affaire est sur le point d’être réglée, tempête une syndicaliste à la Chancellerie. Cette affaire révèle une inefficacité crasse du fonctionnement de cette administration : bonjour l’image de la Justice ! » Au Fiphfp, le rattrapage est très attendu, la Justice étant l’un des plus gros employeurs de l’Etat et un contributeur symboliquement fort : « quand les personnes handicapées ont des problèmes, c’est vers la Justice qu’elles se tournent », déplore une employée du fonds.
Plus gênant encore, plusieurs petites administrations en manque de moyens sont tentées de prendre prétexte sur le mauvais élève pour s’exonérer du versement : lors des deux derniers conseils nationaux où l’affaire a été évoquée, certains employeurs se demandaient pourquoi ils auraient à se vider les poches quand madame Dati ne le fait pas...
La ministre aurait piqué une vive colère en apprenant l’erreur. Pas vraiment ce dont elle avait besoin avant d’aller à Strasbourg où on l’accuse, par avance, d’incompétence.