Andrea Benvenuto (Université Paris 8, EHESS)
In :
BATTEGAY A. (Ed.), COELHO O. (Ed.), VAZ H. (Ed.), Prendre soin, prendre part, vivre avec : enjeux et défis de la citoyenneté profane dans les rapports santé-société.
Quelles médiations ?
Editions Livpsic et le CIIE de l’Université de Porto, 2012, pp. 63-76
Résumé de l’article
Soigner la surdité ne s’oppose pas, en principe, au fait de prendre soin du sujet sourd. Pourtant, l’histoire de la médecine nous montre que ces deux aspects se sont constitués dans des perspectives séparées, sinon opposées : une médecine de la surdité centrée sur la remédiation du déficit physiologique comme condition d’accès des sourds à la langue de la majorité entendante, et une médecine des sourds tentant de communiquer avec le patient, pour le soigner, à partir de ses propres compétences langagières. Nous nous interrogerons sur le milieu traducteur que ces perspectives mobilisent. Ceux qui considèrent que la surdité empêche le sourd de devenir un être de parole chercheront les moyens les plus précoces de la soigner. La relation thérapeutique requiert ici la présence d’une figure tierce qui opère comme médiatrice entre le monde médical et le sourd, ce dernier étant par définition en dehors du langage. Ceux qui placent le sourd au centre de la pratique médicale considèreront non seulement la « maladie » du sujet mais encore le sujet lui-même et le patient sourd comme un être parlant égal à tout autre : la surdité n’empêche pas le développement des compétences langagières propres à l’être humain. La tâche du développement de ces compétences linguistiques ne revient pas au médecin. Cette seconde perspective est celle des unités d’accueil et de soins des sourds.
Depuis 1996, quinze unités de ce genre ont été créées en France. Leur philosophie, que cet article analyse, repose sur trois exigences : une exigence linguistique qui place la langue du patient au cœur des rapports soignants/patients ; une exigence culturelle qui fait émerger de nouvelles formes de médiation pour mieux prendre soin du sourd, et une exigence collective de partage des savoirs et des savoir-faire qui commande la constitution des équipes soignantes.
Andrea Benvenuto
Docteur en philosophie, Chargée de mission recherche, INSERM-MSSH ; Coordinatrice pédagogique de la Licence professionnelle « Enseignement de la LSF/français en milieu scolaire » (Université Paris 8, INSHEA, Visuel-LSF) ; Chargée de cours à Paris 8 et à l’EHESS ; Membre du comité de pilotage du Programme Handicaps et Sociétés de l’EHESS.
Ses recherches s’articulent sur trois axes :
Publications
Benvenuto A. (2011), « Surdité, normes et vie, un rapport indissociable », Empan, n° 83, pp. 18-25
Benvenuto A. (2010), « L’autre Milan 1880, le congrès international d’otologistes et l’instruction physiologique du sourd-muet », La Nouvelle Revue de l’adaptation et de la scolarisation, 49, pp. 37-43
Benvenuto A. (2010), « Qui sont les sourds ? » In Charles Gaucher (Ed.), Les Sourds : aux origines d’une identité plurielle, Presses Internationales Européennes, coll. « Diversitas »
Benvenuto A. a également édité et présenté l’ouvrage de Bernard Mottez, (2006). Les Sourds existent-ils ?, Paris, L’Harmattan.