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CNSA : Première cartographie européenne de trois aides techniques : prothèses auditives, aides à la communication pour déficients visuels et fauteuils roulants

Article publié le mercredi 23 décembre 2009.


La CNSA a dressé un état des lieux européen de la prise en charge, des marchés et des prix de trois aides techniques - prothèses auditives, aides à la communication pour déficients visuels et fauteuils roulants - dans une étude conduite par la société Alcimed entre février et novembre 2009 au Royaume-Uni, en Allemagne, en Suède, en Italie et en Espagne à la demande de l’Observatoire du marché et des prix des aides techniques.


-  Population
-  Produits
-  Marché et circuit de distribution
-   Rôle des professionnels impliqués dans le circuit usager
-  Système de prise en charge
-  Prix et reste à charge
-  Conclusion
-  Telecharger l’étude du CNSA

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Population

Les déficients auditifs comptent pour environ 12% de la population des pays européens. Cependant, les pourcentages de personnes déficientes auditives estimés dans chaque pays étudié varient, en fonction des nuances de définitions utilisées (12% en Italie, Espagne et Allemagne, 15% au Royaume-Uni et 14% en Suède). Ainsi, les définitions de prévalence utilisées varient légèrement entre les pays et les méthodes statistiques varient fortement.
La définition de population appareillable n’est cependant pas clairement définie dans tous les pays. Un taux de population appareillable de 50% de la population totale de malentendants a été considéré pour cette étude. Bien que deux approches de calcul soient envisageables, les taux d’équipement des personnes malentendantes appareillables sont très différents d’un pays à l’autre.
En utilisant les taux de population malentendantes publiées dans chaque pays et un taux de population appareillable de 50%, on arrive à un taux d’équipement variable de 15 à 50% de la population appareillable en fonction des pays :
-  50% en Allemagne et en Suède,
-  près de 40% au Royaume-Uni,
-  20% en Italie,
-  15% en Espagne.

Avec une méthode de calcul plus systématique, partant d’une prévalence des problèmes auditifs de 12% pour la population européenne et d’un taux de population appareillable de 50% et tenant compte du nombre de personnes appareillées, les taux d’équipement des populations étudiées sont les suivants :
-  69% en Suède,
-  84% au Royaume-Uni,
-  50% en Allemagne,
-  16% en Espagne,
-  27% en Italie.

En Suède, les produits sont fournis aux usagers sans aucun reste à charge par les centres d’audition, tout comme au Royaume-Uni par les centres d’audiologie du NHS (National Health Service) [1] , ce qui explique en grande partie les taux d’équipement importants dans ces pays. En Allemagne, des campagnes de sensibilisation sont mises en place par les audioprothésistes et des campagnes publicitaires télévisées sont réalisées notamment par Siemens Audiologie auprès du grand public, ce qui implique une visibilité des aides auditives en général plus grande pour l’ensemble de la population.
En Espagne et en Italie, la culture, le manque de connaissance des usagers sur les produits, ainsi que le faible niveau de prise en charge publique expliquent en grande partie les taux d’équipement plus faibles. Dans ces pays où l’esthétique est importante et où l’information sur la valeur-ajoutée d’une prothèse est faible, il est effectivement plus difficile d’accepter de porter une prothèse auditive. De plus, le niveau de prise en charge est nul en Espagne pour les adultes malentendants, ce qui ne joue pas en faveur d’un taux d’équipement élevé.

Le taux d’équipement n’est donc pas lié uniquement au niveau de prise en charge, mais également à d’autres facteurs tels que la culture du pays et le manque de connaissances des usagers.
En Suède et au Royaume-Uni où les produits sont accessibles à tous et distribués sans aucun reste à charge, les taux d’équipement n’atteignent pas 100%. Il est en effet difficile d’atteindre un tel taux d’équipement, même dans des conditions de prise en charge « idéales », d’autres facteurs indépendants du système de prise en charge entrant également en compte, tels que la culture face au handicap, l’acceptation du handicap par la personne concernée et la volonté de porter une prothèse auditive, la connaissance de l’usager de l’existence même des aides auditives et du bénéfice apporté par une prothèse auditive, etc.

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Produits

Les mêmes modèles sont présents et distribués dans tous les pays étudiés, ce qui s’explique par la présence internationale des fabricants. Par exemple, les prothèses analogiques ne sont plus distribuées dans les pays étudiés. Les produits numériques sont ainsi les seuls présents sur le marché.
La grande tendance est à l’essor des BTE [2], avec néanmoins un certain retard des pays du Sud de l’Europe tels que l’Espagne, et ce, pour des raisons culturelles et techniques. Dans ces pays, les prothèses intra-auriculaires sont les plus demandées par les usagers pour des raisons d’esthétique, et donc les plus distribuées par les audioprothésistes, qui répondent le plus souvent à la demande des usagers, sans toujours chercher la solution la plus adaptée.

Dans les systèmes où la prise en charge est nulle ou se fait par forfait, les aides auditives distribuées sont en grande partie des entrées de gamme.

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Dans les systèmes où la prise en charge est nulle ou se fait par forfait, les aides auditives distribuées sont en grande partie des entrées de gamme.

En Italie, où il existe un forfait pour chaque catégorie générique de prothèses auditives (2 forfaits différents : pour les prothèses ayant une puissance de plus de 75dB et pour celles ayant une puissance de moins de 75dB), on estime à 65% la part des produits entrée de gamme distribués. Les proportions semblent également très importantes en Allemagne et en Espagne, pour lesquels un seul forfait existe pour toutes les gammes de prothèses. Dans l’ensemble des pays étudiés, les acteurs de la filière s’accordent à dire que les produits basiques offrent déjà un service rendu indéniable aux usagers.
Quand la prise en charge est totale, la majorité de produits distribués sont des entrées et moyenne gammes.
Au Royaume-Uni, les produits d’entrée et de moyenne gamme sont largement distribués tout comme en Suède, où les statistiques réalisées au niveau national montrent que les entrées de gamme représentent 44% du marché en volume et que les moyennes gammes représentent 35% du marché, contre 22% pour les hauts de gamme.

Ainsi, dans les pays étudiés, même lorsque le système de prise en charge ne limite pas l’usager dans le choix de sa prothèse, la valeur ajoutée d’une prothèse haut de gamme ne justifie pas souvent à ses yeux la différence de prix, par rapport à une prothèse d’entrée ou de moyenne gamme. En effet, certains modèles d’entrée et de moyenne gamme sont aujourd’hui plus performants qu’ils ne l’étaient il y a quelques années. La valeur ajoutée d’une prothèse haut de gamme plus onéreuse est donc moindre pour les usagers, en particulier lorsqu’ils vivent dans un environnement dont les amplitudes sonores varient peu.

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Marché et circuit de distribution

Les fabricants internationaux sont présents sur les marchés de tous les pays étudiés : on retrouve les grands leaders internationaux, tels que Oticon, Gn Resound, Starkey, Siemens, Widex, etc.
Le marché est extrêmement concentré, expliquant en partie les prix relativement élevés des produits. Ces fabricants sont en contact avec les centres d’audition au Royaume-Uni et en Suède et avec les audioprothésistes (indépendants ou chaînes) en Allemagne, Italie, Espagne et Royaume-Uni pour le secteur privé.
Les audioprothésistes sont ainsi les distributeurs finaux des produits aux usagers dans ces pays. Au Royaume-Uni et en Suède, dans les systèmes de prise en charge publique, les audiologistes des centres d’audition sont en charge de la distribution des prothèses. Généralement, les audioprothésistes sont liés aux fabricants par des contrats d’exclusivité, les indépendants offrant souvent plus de choix de marques aux usagers que les chaînes.

Ainsi, en Espagne et en Italie, certaines grandes chaînes d’audioprothésistes sont sous contrat d’exclusivité avec un seul fabricant et ne proposent donc en magasin qu’une seule marque de produits. Les audioprothésistes indépendants, détenant généralement 1 à 3 magasins, proposent quant à eux le plus souvent plusieurs marques de leur choix. Cependant, la spécificité des logiciels de paramétrage des aides auditives de chaque fabricant, et des appareils auditifs associés, nécessite une prise en main des logiciels et limite de fait la diversité des fournisseurs des audioprothésistes.

L’Allemagne se démarque à ce sujet des autres pays : au moins 3 marques sont le plus souvent présentes en magasin (il n’est pas rare d’en trouver 7 ou 8), que l’audioprothésiste soit indépendant ou rattaché à une chaîne. Cette pratique permet l’application de la loi sur l’adaptation comparative9. Au Royaume-Uni et en Suède, des contrats d’exclusivité sont signés entre les fabricants et les centres d’audition ou d’audiologie, suite aux appels d’offres du marché public. Les fournisseurs sont ainsi peu nombreux.

Lorsqu’il existe une prise en charge publique, des appels d’offre sont lancés par les instances en charge de la politique de santé du pays ou de la région.

Cette procédure d’achat limite le choix des produits pouvant être distribués mais fait également baisser les prix d’achat. Elle est également contraignante pour les fabricants choisis, qui ne peuvent anticiper leurs coûts ni leurs marges lorsqu’ils fixent leurs prix de départ, car ils n’ont aucune idée des volumes qui entreront en jeu.

Les contrats entre les fabricants et les centrales d’achat permettent, tout comme les appels d’offres lancés au niveau national par le NHS au Royaume-Uni, de jouer sur des effets de volume, et de réduire les prix de cession des fabricants.

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Rôle des professionnels impliqués dans le circuit usager

La prescription est presque toujours réalisée par un ORL, qui ne connaît pas les produits et ne fait pas une prescription précise. Il n’y a qu’en Suède que la prescription est réalisée par l’audiologiste du centre d’audition ou d’un hôpital.

Les rôles des acteurs du circuit usagers sont distribués différemment selon les pays : en Allemagne, en Espagne et en Italie, la prescription des ORL est décorrélée des étapes de préconisation et de distribution, réalisées par les audioprothésistes. Ces étapes sont réalisées par une équipe pluridisciplinaire au Royaume-Uni et en Suède, ce qui implique une meilleure cohérence du processus et ainsi une meilleure adéquation des produits aux besoins

Le choix définitif du produit est réalisé par l’audioprothésiste ou l’audiologiste, distributeur exclusif des prothèses auditives dans tous les pays et spécialiste des produits. Ces professionnels sont globalement de bons conseillers pour ce choix, malgré les biais qui peuvent exister du fait de l’aspect commercial de leur profession. En effet, ils sont compétents dans tous les pays étudiés pour choisir la prothèse la plus adaptée aux besoins de l’usager, ce qui n’est pas le cas pour la distribution d’autres aides techniques. Les audiologistes et audioprothésistes sont également responsables du réglage de la prothèse, une fois qu’elle a été choisie avec l’usager. C’est sur ce point que les audiologistes du NHS, dont la charge de travail est très importante, montrent des limites. En effet, d’après les acteurs rencontrés, il semblerait que près de 45% des usagers profitant d’une aide auditive du NHS ne la portent pas, du fait qu’elle soit mal réglée et mal ajustée à leur type de surdité.

Les audioprothésistes ou audiologistes sont considérés comme des professionnels de santé dans seulement trois des cinq pays.

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Système de prise en charge

Les aides auditives sont prises en charge par le système de santé public dans presque tous les cas, mais via des modes de prise en charge différents.
3 pays offrent un forfait pour la prise en charge des prothèses, l’Espagne (pour les moins de 16 ans), l’Allemagne et l’Italie (dans ce pays, le niveau du forfait est lié au niveau de perte d’audition et donc à la catégorie de produit prescrite, les forfaits étant fixes dans les 2 autres pays). En Espagne, pour les moins de 16 ans uniquement, l’usager paie son aide auditive puis est remboursé par sa Communauté Autonome, ou bien c’est l’audioprothésiste qui se fait rembourser directement. Les audioprothèses sont en revanche entièrement à la charge des usagers de plus de 16 ans. En Italie, l’usager ne paie rien lorsque l’aide auditive lui est fournie, et l’audioprothésiste se fait rembourser directement par l’Agence de Santé Locale (ASL) qui est à l’origine de la prescription de la prothèse. Il en est de même en Allemagne, où l’audioprothésiste se fait rembourser directement par la caisse d’assurance, après que l‘ORL ait vérifié que le produit délivré est bien adapté.(....)

Dans la majorité des pays étudiés, l’accès à une prise en charge publique n’est pas conditionné par l’âge ou par le type de handicap. En effet, le mode de prise en charge et les moyens pour être éligible à cette prise en charge sont les mêmes pour toutes les personnes nécessitant une prothèse auditive. Seule l’Espagne mise uniquement sur le dépistage précoce pour équiper les malentendants et a fait le choix de n’offrir un accès à une prise en charge publique que pour les moins de 16 ans.(....)

Le système de forfait permet aux gouvernements de mieux contrôler leurs dépenses que le système des appels d’offres.
Ce système de prise en charge permet théoriquement aux gouvernements d’être plus flexibles sur le montant de la prise en charge des aides auditives. Par exemple, en Italie, le montant du forfait a été revu à la hausse une fois en 2004 depuis la définition de la nomenclature tarifaire en 1999, et n’a pas été modifié depuis, alors qu’en Allemagne, le forfait de prise en charge des aides auditives est revu à la baisse pour 2010.(....)

Au global, les dépenses publiques, rapportées en ‰ du PIB, sont situées dans le même ordre de grandeur d’un pays à l’autre, en dépit du fait que les modèles de prise en charge des différents pays soient très variés, ce qui met en évidence des choix politiques différents et laisse à penser que certains modèles savent mieux que d’autres se montrer efficaces. (....)

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Prix et reste à charge

Les prix des prothèses sont compris dans une fourchette allant de 400 et 3 900 , selon les pays et les gammes proposées (....)

Il semble que les prix des audioprothèses n’aient pas beaucoup baissé ces dernières années. En effet, même si les coûts de production des nouvelles technologies diminuent par rapport aux anciennes, la technologie des prothèses évolue constamment et les activités de R&D des fabricants sur des technologies de pointe sont importantes. Le marché des audioprothèses bénéficie donc régulièrement d’innovations techniques, sans pour autant que les fabricants répercutent ce moindre coût sur le prix final des produits. Le rapport valeur ajoutée / prix augmente donc au fil du temps sur ce marché.

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Conclusion

La filière des aides auditives est claire et structurée dans tous les pays, que ce soit au niveau du parcours usager ou du circuit de distribution. Le niveau de formation et de qualification sur les produits des audioprothésistes ou des audiologistes est un élément très important pour la structuration de la filière. Toutefois, un manque de transparence sur la formation des coûts est notable sur le marché, notamment en ce qui concerne la séparation du prix de l’appareil pour l’usager et des prestations associées. En effet, cette séparation n’est pas mise en place dans les pays étudiés.

Cependant, les différences de modes et de niveaux de prise en charge, de prix publics des prothèses et donc des restes à charge sont importantes entre les pays étudiés. En effet, les fabricants appliquent des prix différents pour des modèles similaires selon les pays, influencés par l’aspect culturel autour du handicap auditif et les modes de prise en charge mis en place dans chaque pays : les prothèses sont considérées comme des produits de luxe dans certains pays tels qu’en Espagne (où les marges appliquées sont alors plus élevées), et de première nécessité dans d’autres (en Suède et au Royaume-Uni par exemple).
Ainsi, les taux d’équipement des populations de déficients auditifs et les niveaux de prix des prothèses auditives dans le marché privé sont directement liés aux modes et niveaux de prise en charge mis en place par les autorités de santé de chaque pays.
Globalement, les prix des produits sont assez élevés, notamment parce que le marché est extrêmement concentré, avec peu d’acteurs internationaux qui se partagent le marché.

Télécharger l’étude du CNSA

[1] Les centres d’audition suédois et les centres d’audiologie du NHS anglais gèrent le système de prise en charge public et la distribution publique des aides auditive

[2] BTE = Behind-The-Ear (prothèse auditive se portant derrière l’oreille)


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