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Place de l’audition dans les premières années et comment remédier à ses troubles par le dépistage néonatal (René Dauman)

Article publié le dimanche 18 septembre 2011.


39èmes ASSISES NATIONALES DES SAGES-FEMMES - Nantes, 18-20 mai 2011

Où en est-on du dépistage de la surdité à la maternité ?

Place de l’audition dans les premières années et comment remédier à ses troubles par le dépistage néonatal
René DAUMAN
Université Bordeaux Segalen et CHU Bordeaux, Service ORL, unité d’audiologie, membre du Bureau de l’Association Française de Dépistage et de Prévention des Handicaps de l’Enfant, AFDPHE

http://www.cerc-congres.com/20110518_AssisesSF/Compte-RenduScientifique.pdf

Le développement qui se déroule dans les cinq premières années de la vie de l’enfant est d’une extraordinaire richesse. Mais, curieusement, cette période peut représenter aussi bien un socle solide sur lequel va se construire une existence harmonieuse qu’une étape vulnérable risquant de compromettre le développement ultérieur de l’individu. La source principale de cette fragilité potentielle tient à l’interaction constante entre deux types de facteurs qu’on a trop tendance à opposer l’un à l’autre, la biologie et la génétique d’une part, l’expérience et l’environnement d’autre part. L’audition n’échappe pas à cette loi générale. En effet, à la naissance, l’enfant possède un grand nombre des structures intervenant dans l’audition, en particulier au niveau de l’oreille, mais il va lui falloir plusieurs mois pour que ces organes deviennent capables d’informer valablement le cerveau. En d’autres termes, l’enfant a besoin de l’environnement pour développer pleinement un cerveau auditif opérationnel.

La deuxième idée qui mérite d’être abordée dans une réflexion générale sur le dépistage auditif à la naissance est à la fois plus subtile et plus sensible. L’audition occupe une place importante dans le développement de l’enfant : nous apprenons à parler grâce aux mots que nous entendons dans les douze ou dix-huit premiers mois de la vie, qui pourrait le contester ? De la même façon, notre pensée s’élabore en partie grâce à ce que nous entendons au cours des premières années. Mais, et c’est là que les professionnels doivent accepter une nuance essentielle : affirmer que l’audition joue un rôle-clé dans le développement de l’enfant ne signifie pas qu’une vie sans audition soit impossible. Lorsque les structures auditives n’ont pas pu se développer convenablement pour des raisons génétiques ou que leur développement a été interrompu par une cause exogène, l’enfant peut très bien acquérir un autre mode de communication, fondé sur la vision (Langue des Signes Française, LSF). De la même façon, sa pensée, sa cognition, peut se construire à partir des mots signés et non plus seulement des mots entendus.

Une troisième notion est à connaître par celui qui veut comprendre les enjeux du dépistage et le débat sur la prise en charge des enfants sourds dépistés à la naissance : l’impératif temporel. Les deux approches de réhabilitation possibles (que nous appellerons pour l’instant auditive et visuelle) sont soumises toutes les deux aux contraintes de la plasticité cérébrale. Schématiquement, en tout cas pour l’enfant sourd profond (perte auditive moyenne sur la meilleure oreille égale ou supérieure à 90 dB HL), le cap à ne pas dépasser est celui des 18 premiers mois en ce qui concerne l’implantation cochléaire et 3 à 4 ans pour ce qui est du démarrage de la LSF. Au-delà de ses délais respectifs, les deux approches « compensatrices » perdent une grosse partie de leur efficacité. Une littérature suffisamment convaincante vient à l’appui de cette affirmation.

La quatrième idée est plus controversée ou, si l’on préfère, plus difficile à faire admettre : les deux approches ont trop longtemps été présentées comme opposées l’une à l’autre, inconciliables, alors qu’en réalité aucune preuve scientifique ne soutient une telle assertion. Le grand mérite du rapport de la HAS [1] est d’avoir fait accepter à l’ensemble des participants la priorité d’une langue commune partagée entre l’enfant sourd, ses parents, ses frères et soeurs, et le plus grand nombre possible d’autres membres de sa famille. L’usage quotidien d’une communication au sein de la famille est le meilleur moyen d’éviter les complications psychologiques qui risquent d’assombrir la vie ultérieure de l’enfant sourd. Plus encore que l’enfant entendant, l’enfant sourd est tributaire de son environnement familial pour percevoir, utiliser et emmagasiner les informations acoustiques et/ou visuelles qui circulent autour de lui.

Une fois ces principes fondamentaux rappelés, il devient plus facile d’aborder la question du dépistage néonatal de la surdité et de la prise en charge consécutive à l’identification précoce ainsi permise. Est-il indispensable d’identifier et d’appareiller dès l’âge d’un ou deux mois tous les enfants atteints de surdité moyenne (perte auditive moyenne sur la meilleure oreille comprise entre 40 et 70 dB HL) ? Bien sûr que non, mais le dépistage à la naissance est le seul moyen de repérer précocément la majorité des enfants sourds et d’éviter de la sorte de continuer à voir des enfants diagnostiqués à 18, 24 ou même 36 mois, restés jusqu’à cet âge sans aucun soin spécifique. En effet les obstacles au diagnostic précoce sont nombreux :

Trop souvent, encore maintenant, les discussions abordant le dépistage néonatal de la surdité portent uniquement sur le type de matériel optimal qu’il convient d’acquérir en maternité pour effectuer correctement le test : otoémissions acoustiques (OEA) ou potentiels évoqués auditifs automatisés (PEAA) ? En réalité chacune des deux méthodes a ses avantages et ses inconvénients. Plus intéressant est de rappeler quelques principes fondamentaux :

[1] Surdité de l’enfant : accompagnement des familles et suivi de l’enfant de 0 à 6 ans.
Recommandations de bonne pratique (www.has-sante.fr)


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